"Un coup de grâce pour les Libanais exploités par les puissants"
An Nahar - Bonjour Michel Onfray, vous qui étiez au Liban en février dernier pour une série de conférence et un documentaire filmé, quelle réaction aujourd’hui face à l’ampleur de la catastrophe des dernières explosions? Un manque d’indulgence face à l’incurie du gouvernement libanais?
Michel Onfray - Je crois que cette explosion est une métaphore, une allégorie de ce qui a lieu au Liban depuis des mois: une dilution des responsabilités, une impéritie généralisée, une incurie paroxystique, une catastrophe qui aurait pu être évitée s’il y avait eu un Etat, une autorité, une chaîne de responsabilités identifiables. La mafia qui se trouve au pouvoir n’a d’horizon que de ses petites affaires, de son enrichissement personnel, de ses magouilles, de son business privé. Aucun souci de l’intérêt général et du bien public, aucun souci du peuple.
Même dans l'hypothèse ou il s'agirait d’un attentat (il y a nombre de pays qui ont intérêt à ce que c’en soit un), l’Etat resterait responsable d’avoir laissé sur place de quoi générer cette explosion. Il suffirait de voir dans les temps à venir à qui profiterait le crime pour avoir une idée de qui aurait pu vouloir ce crime. Pour l’heure, l’argumentaire du président Aoun qui refuse une enquête internationale sous prétexte de dilution de la vérité semble un aveu qu’il a plus intérêt à ce qu’on méconnaisse cette vérité plutôt que l’inverse.
AN - Comment avez-vous réagi face à ce drame, face à toute la destruction d’un quartier que vous aviez visité quelques mois auparavant?
MO - J’aime le Liban parce qu’il fut le laboratoire d’une négation de la tectonique des plaques qui rend aujourd’hui compte des relations entre les civilisations. Ce fut le point de jonction d’un Orient arabo-musulman et d’un Occident judéo-chrétien qui se fécondaient mutuellement sur une terre heureuse pour les...