L’ETERNEL PRESENT

Mon vieux maître Lucien Jerphagnon écrivait ceci en… novembre 1995 dans une chronique qu’il donnait alors à La Revue des deux Mondes. Ce texte est repris dans L’Absolue Simplicité, parue en 2019 dans la collection Bouquins:

« Précis de décomposition »

Si me revient, entre autres, ce titre de Cioran, qui déjà nous manque, c’est qu’à m’en tenir au seul été dernier, et sans revenir sur les attentats plus haut évoqués, il se trouve que j’ai relevé, comme cela, au fil de la presse quotidienne, écrite, orale ou télévisée, une petite liste de faits divers et d’informations. Tout commence, le soir où l’on fêtait la musique, par l’attaque d’un train de banlieue en gare du Nord par une bande de «jeunes», comme on doit dire poliment. Au fait, d’où était originaire cette «jeunesse»? Du Liechtenstein? De la république de Saint-Marin? Il est vrai que d’autres, tout aussi «jeunes», rançonnaient depuis un moment les voyageurs d’une autre ligne, dans l’indifférence officielle. On attaqua aussi quelques chauffeurs d’autobus: des «jeunes», on vous dit, restez corrects. Des saccages ordinaires et petits incendies de quartier, je retiens juste celui de Nice. Il avait un motif, il est vrai, inadmissible: on avait récemment arrêté quelques «jeunes» bien naturellement occupés à écouler des stupéfiants: une provocation policière, en quelque sorte, à quoi ils avaient riposté.

J’ai, du reste, renoncé à comptabiliser les occasions où la police, pour avoir manqué à la discrétion qui s’impose à l’endroit des «jeunes», dut battre en retraite, et vite. Il faut dire que les banlieues jouissent maintenant de facto de l’exterritorialité que naïvement je croyais toujours réservée aux ambassades et consulats. Quant à leurs ressortissants, leur immunité est pratiquement assimilable à celle du corps diplomatique: on ne saurait les garder en détention. Ces enclaves s’appellent des zones de non-droit. Il ne convient donc...