Coronavirus: "Où sont les banquiers pour lancer un plan massif de salut national? Dans leur résidence secondaire..."
Delo: Avez-vous peur du coronavirus? Quel regard portez-vous sur la panique qu'il sucite?
Michel Onfray: Je suis passé près de la mort en 1988 avec un infarctus alors que je n'avais que vingt-huit ans. Depuis, j'ai vraiment le sentiment d'être un survivant. J'ai ensuite subi deux AVC, dont un avec des séquelles irrémédiables -perte du champ visuel dans le bord supérieur gauche avec quelques problèmes de situation par exemple dans l'espace quand je suis dans des hôtels que, par définition, je ne connais pas. J'ai fait un accident cardiaque qui m'a valu jadis un transfert en hélicoptère d'Argentan, où j'habitais alors, au CHU de Caen, à une soixantaine de kilomètres. Quand l'hélicoptère s'est envolé, après qu’on m'eut mis des plaques sous le dos dans l'hypothèse d'un électrochoc, nous avons survolé le cimetière dont je me suis dit que, dans quelques jours, j'y reposerais. Or, je suis rentré chez moi... J'ai depuis le sens de la nécessité. Si je devais être affecté du coronavirus et en mourir, c'est que ce serait mon heure.
D: "La seule façon de mettre les gens ensemble, c'est encore de leur envoyer la peste", écrit Albert Camus dans La Peste. Maintenant que le coronavirus a mis le monde à genoux, est-il possible que l’homme moderne redécouvre son âme et la solidarité (locale/nationale/européenne/globale)?
MO: L'homme aura surtout découvert: l'impéritie et le cynisme de ses gouvernants, la fiction d'une Europe puissante et protégeant les peuples, le narcissisme égocentrique des Parisiens quittant la capitale sans souci d'infecter les provinciaux, la connivence des journalistes avec le pouvoir, mais ça n'est pas nouveau, l'arrogance de la plupart des scientifiques qui, avec les éditorialistes, ont minimisé l'épidémie sur tous les plateaux de télévision, la bêtise crasse des intellectuels qui estimaient plus grave la panique des gens que la pandémie qui se répandait,...