Michel Onfray au journal "Le Soir": "Désormais, pour exister, le réel doit être validé par le virtuel"
Le Soir: Comment avez-vous vécu la crise sanitaire?
Michel Onfray: Je suis rentré de Martinique il y a un peu plus d’un mois pour vivre le confinement chez moi à Caen, en Normandie. Deux jours après le retour, j’ai ressenti des symptômes qui ont été diagnostiqués comme étant ceux du coronavirus… J’ai donc vécu quelques jours dans la peau d’une personne affectée par ce virus. On se dit alors que c’est la roulette russe, qu’on est engagé dans une aventure et qu’on devrait en avoir le fin mot assez rapidement – vie probable mais mort possible… Puis mon épouse, qui subissait les mêmes symptômes que moi, a été hospitalisée six jours pour un syndrome méningé. Pendant ce temps, j’ai passé la semaine avec 40 de température au fond de mon lit. Puis l’hôpital nous a appris que nous étions indemnes du Covid mais tous deux affectés par une maladie tropicale, la dengue. Nous avons mis un mois à sortir d’un état assez pitoyable. C’est pour ma part derrière moi.
LS: Il y a 50 ans, la grippe de Hong Kong a fait un million de morts dans le monde, dont plusieurs dizaines de milliers en Europe occidentale, sans susciter un tel émoi. Sommes-nous devenus plus impressionnables ou simplement plus «humains»?
MO : … plus connectés et plus informés! Aujourd’hui, ce qui est, c’est ce qui est montré. Ce qui n’est pas montré sur un écran n’a pas d’existence, car, désormais, pour exister, le réel doit être validé par le virtuel. Ce qui ne fut pas montré en son temps n’a pas existé autrement que comme un savoir vague. Les chiffres de cette époque semblent d’ailleurs approximatifs. Mais sans réseaux, sans connexions, sans téléphones portables, sans chaînes de télévision d’information continue, sans comptages précis, sans journalistes qui passent la journée...