"Une insurrection froide"*
Deux Français sur trois ne sont pas allés voter aux municipales… C’est, avant toute chose, la leçon de ce scrutin au contraire de ce que racontent les journalistes, les sondeurs et les éditocrates qui ne veulent surtout pas voir ce qui pourtant crève les yeux. On sait que tout ce monde-là voit ce qu’il croit plutôt qu’il ne croit ce qu’il voit. C’est le propre des idéologues de ne jamais voir le réel et de toujours y mettre leurs fictions à la place.
Deux Français sur trois, ce fut, les plus anciens s’en souviendront peut-être, le titre d’un livre que Valéry Giscard d’Estaing fit paraitre en 1984, une fois démis par François Mitterrand. Dans cet ouvrage, le président battu se proposait de rassembler deux Français sur trois sur son projet politique afin de refermer ce qu’il présentait alors comme la parenthèse mitterrandienne: cette proportion lui semblait suffisante pour constituer une forte majorité. La forte majorité, aujourd’hui, ce sont les abstentionnistes.
Il est impossible de faire la sociologie de ces 60% de citoyens qui ne sont pas allés voter sans prendre le risque d’une projection de ses désirs. Les uns disent que ce sont des personnes âgées qui ont eu peur, en se déplaçant, de s’exposer au coronavirus; les autres qu’il s’agissait d’indolents ayant plus envie de soleil et de terrasse, de nature et de farniente que d’accomplir leur devoir de citoyen; d’autres encore pensaient que l’écart entre les deux tours, l’impossibilité de faire campagne, avaient démobilisé l’électorat. Tout cela fut peut-être vrai, mais partiellement seulement.
L’analyse la plus juste de ce second tour des municipales fut faite par Jean-Luc Mélenchon qui a fourbi deux belles formules, efficaces et justes: il a parlé de «grève civique» en disant qu’il s’agissait d’un genre d’«insurrection froide». Il avait raison.
Deux Français sur trois...