Le dernier impressioniste: Pierre Soulages
Geneviève Combas a pris son téléphone pour appeler Pierre Soulages. Il a répondu ; elle lui a demandé si nous pouvions passer, elle, Robert et moi, pour lui rendre visite. Il a tout de suite accepté. Deux heures plus tard nous étions sur la terrasse qui surplombe la mer et fournit en permanence dans les variations de bleu ce que Soulages donne au monde depuis des années avec son fameux noir. Bleu, vert, turquoise, outremer, azur, marine, pastel, indigo, saphir, violet – noir aussi. La mer parle à qui sait la regarder.
Sur la terrasse de sa maison magnifique, Soulages se tient dos à la mer ; je suis face à lui; il est en contrejour. Je le vois donc comme une divinité païenne apparaissant dans la lumière: un visage clair nimbé d’une clarté qui irradie. Il est un soleil, et nullement un soleil noir. Robert ne parle pas. Il est là, comme une pure présence silencieuse.
Colette, son épouse, prend elle aussi toute la place avec son être. Elle est une petite dame vive, l’oeil intelligent, la tête là où il faut regarder pour voir ce qu’il faut voir. Le regard soutient physiquement son époux comme un bras le ferait. Pierre Soulages s’est déplié pour nous accueillir. Il attendait, dehors, au soleil. Le colosse qu’il est a les pieds d’argile. Il a été récemment opéré d’un genou; par ailleurs, une pathologie adventice exige la cortisone qui, en retour, abîme ses jambes et l’empêche de marcher. Ce grand homme qui est un homme grand me rappelle mon père lui aussi opéré du genou, lui aussi empêtré dans des maladies dont les soins nécessitaient des médicaments contradictoires. Je suis ému par ce corps qui me rappelle celui que j’aimais.
Le champagne est servi. La bouteille est dans un seau posé sur...