"A part enrichir les riches et appauvrir les pauvres, l'Europe ne sait rien faire"

Michel Onfray a répondu le 3 septembre 2020 aux questions du journaliste Sinan Baykent pour le journal turc Independent Türkçe. Nous reproduisons la traduction en français de cette interview publiée originellement en turc.

Independent Türkçe: Monsieur Onfray, vous estimez que l’Europe se trouve dans une "phase terminale", étant proie à une décadence plus ou moins généralisée. En quelles matières pensez-vous que cette "décadence", dont vous faites référence se reflète le plus?

Michel Onfray: Comme elle est généralisée, elle est présente partout! Disons qu’elle est surtout visible sur le terrain de la morale. Par exemple: entre fin juillet et début août, sur une proposition du Parti socialiste, qui se dit progressiste, l’Assemblée nationale a voté l’autorisation pour une femme d’avorter jusqu’à terme pour de vagues raisons "psycho-sociales". Autrement dit, ceux qui se disent progressistes estiment qu’on peut tuer un enfant jusqu’à neuf mois après avoir fait avorter la mère, et ce par caprice personnel, car aucune raison dite psycho-sociale ne saurait justifier ce qui faut nommer par son nom: un infanticide, autrement dit un crime, un meurtre, un assassinat. Dans Libération, un journal qui passe pour un phare progressiste, un philosophe homme devenu femme a signé une tribune invitant à se défaire de la domination du patriarcat blanc et qui, pour ce faire, faisait l’éloge de la zoophilie et de la coprophagie: je ne crois pas qu’avoir des relations sexuelles avec des animaux ou bien manger les matières fécales de son partenaire sexuel soient de nets marqueurs progressistes! J’y vois bien plutôt un profond signe de nihilisme. 

IT: Vous vous êtes longuement penché sur la nécessité d’élaborer une "contre-histoire" de la philosophie. A cet égard, vous avez, un peu à la manière de Michel Foucault avant vous, déconstruit l’histoire de la pensée moderne en mettant la lumière par exemple aux parcours de penseurs comme...